Histoire de l’orchestre de jazz « Rétro ».
Le répertoire de l’orchestre « Rétro » se compose d’airs populaires de jazz et de danse des années 1910-1940, venant d’Europe, des États-Unis, d’Union soviétique : par exemple les chansons de Klavdia Shulzhenko, Léonid et Édith Outiosov, Georgi Vinogradov, Pavel Mikhailov, Ruzhena Sikora et d’autres maîtres de l’estrade. Nous jouons à partir des partitions originales, parfois manuscrites (« Merci, le coeur » est resté 30 ans dans les archives de I. Dunayevski, V. Knushevitski fut le dernier à l’utiliser), nous n’utilisons aucun instrument électronique afin de transmettre au mieux le style de l’époque, et le timbre des orchestres de jazz d’avant-guerre. Nous jouons pour que les nostalgiques de cette époque puisse réentendre cette musique, mais aussi pour que les plus jeunes la connaissent. La plupart d’entre aux ne connaît pas les noms de Shulzhenko, Tsfasman, Miller. Utesov est un peu plus connu grâce au film « Joyeux Garçons ».
Le point de vie de l’orchestre est simple : on peut écouter la musique des compositeurs classiques telle qu’elle était interprétée à leur époque : les oeuvres de Mozart se jouent au clavecin, de Bach à l’orgue, etc. Les musique de Strauss et de Kálmán, qualifiées à leur époque de musique légère, sont devenues avec le temps classiques, l’intérêt pour les partitions originales s’accroit. Nous pensons que les travaux d’Ellington, de Miller, de Tsfasman, ont eux aussi passé cette épreuve du temps et doivent être respectées comme tels : il ne faut pas essayer d’enrichir cette musique de synthétiseurs. De plus, ce ne sont pas tant les airs qui sont entrés dans l’histoire, mais plutôt leurs arrangements et une qualité de son particulière. Car l’interprétation est un art assez conservateur, les musiciens créent leur propre système émotionnel, mais ils ne touchent pas au texte musical, et donc passent le relais à une autre génération. Et les nouvelles générations ne pourront peut-être jamais entendre l’histoire vive de notre jazz. C’est pour cette raison que Livery Stable Blues sorti en 1917 où on peut entendre des cocoricos, des hennissements et des mugissements (CD Les vielles lettres) et l’ouverture du film Joyeux Garçons tiennent une place importante dans notre répertoire (il est intéressant de constater que chez nous aussi il y eut des hennissements dans les premières musiques jazz au cinéma). Notre programmme de dixielands américains est composé d’éditions des années 1910-1920. Nous faisons des enregistrements très « archaïques », sans réverbe, avec un effet stéréo très faible.
Composition de l’orchestre : 2 trompettes, 1-2 trombones, 2 saxophones alto, 1-2 saxophones ténor (et clarinettes), 2-3 violons, piano, accordéon, contrebasse (ou tuba), banjo (ou guitare), percussions.
Tout a commencé dans le cadre d’une initiative artistique dans une usine de Saratov avec un quatuor d’anciens camarades de classe. Le premier concert a eu lieu en novembre 1983 à Saratov dans le cinéma « Écran » lors de la projection du film Nous venons du jazz (en russe : Мы из джаза) (pour l’anecdote, nous avons volé l’affiche du film dans le cabinet du directeur en souvenir). Amusante coïncidence : dans le film, il y a la même formation instrumentale (piano, banjo, percussion et saxophone) et le même ordre d’apparition que dans l’orchestre Retro. Aujourd’hui, les musiciens jouent en parallèle dans l’orchestre symphonique, l’opérette, au cirque, dans les orchestres militaires de Saratov et dans d’autres ensembles de jazz. Seulement 3 musiciens n’ont pas suivi de formation musicale : le guitariste et banjo V. Baykatov, le deuxième tromboniste et chanteur V. Uvarov et le pianiste N. Dukhovnikov (physiciens de formation, ce qui est courant dans le jazz).
Depuis 1992, l’orchestre « Rétro » participe régulièrement aux événements de jazz. Quelques exemples pour ne citer que les plus importants : la « Soirée hommage à Utiosov » à la philharmonie (en 1998 et 2003) et à la maison des scientifiques de Moscou (en 2004) ; le 70e anniversaire d’Utiosov et le 15e anniversaire de l’orchestre Retro (« D’Utesov à Armstrong ») en février 1999, l’ouverture de la saison de jazz en 2000 au théâtre de musique de Volgograd (concert consacré à l’histoire du jazz américain). En octobre 2002, l’orchestre a participé au festival d’Alexei Batashev « les 80 ans du Jazz russe » dans la salle Tchaikovsky à Moscou (programme consacré à Utiosov), et au festival d’Igor Burko en décembre à Tchéliabinsk. Toujours en décembre 2002, le concert « Souvenir d’Alexandre Tsfasman » dans la grande salle de la philharmonie de Saratov.
À Tchéliabinsk et à Moscou, l’orchestre Retro a joué avec Boris Matveev (chant et percussion), musicien légendaire de l’orchestre d’Eddie Rosner. À l’occasion du 20e anniversaire de l’orchestre Rétro, Boris Matveev a interprété la chanson « cinq minutes » sur la scène de la philharmonie à Saratov, comme en 1956, lors de son enregistrement pour le film « Nuit de carnaval ». En 2004, la radio « Écho de Moscou » a diffusé l’enregistrement de ce concert le soir de Noël (7 janvier selon le calendrier orthodoxe).
En 2006, pour les 100 ans de K. Shulzhenko et A. Tsfasman, et les 95 ans de M. Bernes, l’orchestre « Rétro » a préparé un important programme avec notamment toutes les chansons enregistrées par Shulzhenko et Bernes avec Tsfasman, programme présenté au festival de jazz de Sochi et dans divers concerts : à Kaluga (maison de la musique), à Obninsk (maison de la culture), à Moscou (Maison des Unions). Début 2009, pour ses 25 ans, l’orchestre a assuré une série de 4 concerts avec différents programmes. De 2010 à 2012, l’activité de l’orchestre était consacrée au thème du violon dans le jazz, et notamment aux ensembles à cordes de G. Venuti, S. Grappelli, S. Smith, E. South, E. Caseras et d’autres maîtres du jazz américains, français et anglais. Une place importante a été donnée aux créateurs du jazz manouche, à savoir les fondateurs du Quintette du Hot Club de France, Django Reinhardt et Stéphane Grappelli. En 2011-2012, l’orchestre « Rétro » a consacré à ce quintette une série de 3 concerts à Saratov (Dom kino).
En 2013, à Moscou (en mars dans la maison centrale des savants, en mai dans la maison de l’architecture), l’orchestre, accompagné par de chanteurs moscovites (Larissa Makarskaya, Alina Larina, Valéria Kutcherenko), a présenté au public de nouveaux programmes composés de vieux classiques de jazz soviétiques, américains, et européens pour ensembles à cordes.
Suite à la suppression de la section artistique de la radio de Saratov, l’orchestre a dû se procurer son propre studio d’enregistrement. Le troisième disque (« Le jour et la nuit »), le quatrième (« Les sons du jazz ») et le cinquième (« Minor swing » sur le thème du Violon dans le jazz) y ont été enregistrés. Les disques sont produits par la maison de disques Artservice (ancien Artel « Vent de l’est ») et ont été présentés dans les émissions de jazz de Boris Alexeev sur la radio « Écho de Moscou ». Depuis 1993, les enrigistrements de l’orchestre passent sur les stations de radio « Ostankino » (dans les émissions d’Alexei Batachev), « Radio de Russie »( chez Ludmilla Kiriliva), « Mayak » (chez Igor Makarov). En 2011, le studio a été équipé d’un système vidéo, ce qui permet de faire des enregistrements filmés.
En novembre 2013, au Théâtre des jeunes spectateurs de Saratov et en janvier 2014, dans la maison des savants de Moscou, l’orchestre a fêté ses 30 ans en présentant de grands concerts avec la participation de vétérans et de leurs enfants devenus musiciens professionnels.
32 ans, c’est un bel âge pour l’orchestre. Les anciens ont déjà des cheveux gris, et se gênent devant les jeunes talents. Bref, comme le chantait Utesov : « Tout va très bien Madame la Marquise ! ».
Traduction Maria Osina et Manon Millischer
Nikita Dukhovnikov